Les principaux défis du paysage FRI d’ici 2035

Pascal Gygax décrit les trois principaux défis selon son point de vue – dans une contribution au 60e anniversaire du CSS.

Résister aux mouvements anti-science

Depuis quelques années, nous observons une tendance inquiétante: une partie de la population et du monde politique refuse systématiquement de prendre des décisions basées sur des données scientifiques. Les attaques de l’administration Trump en 2025 contre le monde scientifique nous choquent, mais la Suisse n’est pas en reste. Par exemple, le 2 mai 2022, lorsque des spécialistes du climat ont présenté leurs derniers travaux au parlement Suisse, deux tiers des politiques n’ont pas assisté à la rencontre.

Longtemps, on a reproché aux scientifiques de rester dans leur bulle et ne pas savoir communiquer avec le grand public. Ce n’est plus le cas. Pourtant, une partie de la population reste imperméable aux discours scientifiques et aux données probantes. Il est crucial de renforcer la confiance dans la science et de promouvoir des décisions éclairées par des preuves solides pour le bien de notre société et de notre planète.

Repenser un système académique médiéval

Les institutions universitaires en Suisse, et plus généralement les hautes écoles suisses, sont incroyablement conservatrices. Elles sont régies par des castes et des hiérarchies qui ne reposent plus sur le mérite ou d’autres critères objectifs. C’est l’une des structures les moins horizontales que l’on puisse trouver, et cette structure n’est plus viable. Un changement de paradigme est nécessaire.

De plus, cette structure est en partie alimentée par la précarité et la compétition, mais pas dans le bon sens. Elles poussent leurs membres à sacrifier leurs idéaux, et parfois leur vie sociale et familiale. Combien de fois avons-nous entendu des personnes dire: «Si vous n’aimez pas votre situation, vous pouvez partir, il y a 100 personnes qui attendent»? Les décisions institutionnelles récentes visent à accroître cette précarité, prétendument pour générer de la concurrence et améliorer la production scientifique. Pourtant, peu de recherches corroborent l’idée que la précarité est bénéfique pour la science. En réalité, la précarité nuit à la science. Elle nous incite à nous focaliser sur des résultats à court terme, alors que nous avons besoin de projections scientifiques à long terme. Cependant, l’idée de la concurrence par la précarité s’est insidieusement ancrée dans notre culture.

Se battre pour continuer de faire de la recherche et de l’enseignement de qualité

La Suisse a longtemps été fière de son système académique de qualité, soutenu par des moyens financiers adéquats. Cependant, les temps changent et il est essentiel de s’adapter. Le corps intermédiaire supérieur, véritable pilier de la force académique, voit ses ressources de recherche diminuer. Dans certaines universités et facultés, il n’est plus rare de voir des membres du corps intermédiaire enseigner plus de 12 heures par semaine. Ces postes deviennent même majoritaires, transformant certaines universités en établissements d’enseignement secondaire glorifiés. Les récentes coupes budgétaires de la Confédération aggravent cette situation.

Pour faire face à ces défis, il est crucial de lutter contre ces coupes budgétaires, surtout lorsqu’elles sont effectuées en faveur de budgets militaires déjà pharaoniques (et leur utilité est discutable). Nous devons également trouver de nouvelles formes d’enseignement, plaçant les étudiantes et étudiants au centre de l’apprentissage, diversifier les sources de financement et réinventer la valorisation des membres des hautes écoles. Ce dernier point est essentiel, car sans une valorisation adéquate, la Suisse risque de perdre ses meilleurs éléments, et ainsi sa position de leader en recherche et innovation.

 

Pascal Gygax est psycholinguiste. En 2024, il a reçu le prestigieux Prix Marcel Benoist, le «Prix Nobel Suisse», en reconnaissance de ses recherches sur les interactions entre le langage et la pensée.